Les outils numériques et la santé mentale : l’apparition de nouveaux troubles psychiatriques

Les outils numériques et la santé mentale : l’apparition de nouveaux troubles psychiatriques
Article rédigé par Audrey Isnard, psychologue clinicienne et juriste

chaque générations, ses propres maux. Avec une moyenne aux Etats-Unis de « 12h 04 par jour consacré aux écrans, aux médias et au numérique. Une moitié de vie…»  (PATINO, 2019,p80), en France 82 % des enfants de 10 à 14 ans qui iraient régulièrement sur Internet sans leurs parents, 95 % des 15-17 ans  selon la CNIL, ajouté à une première inscription à un réseau social qui interviendrait en moyenne vers 8 ans et demi ; rien d’étonnant à ce que ces pratiques impactent la santé mentale des jeunes.

Ainsi de nouvelles pathologies mentales font leur apparition, dont en voici quelques-unes  : « ceux d’entre nous qui évitent le sommeil profond par peur de rater le signal de leur portable » (PATINO, 2019, p23) 

  •  “Les dormeurs sentinelles” : “ceux d’entre nous qui évitent le sommeil profond par peur de rater le signal de leur portable” ( PATINO, 2019, p23)
  • « Nomophobie (no mobile phone phobia) » : « Être pris d’une peur panique face à l’éloignement même éphémère de son portable » (PATINO, 2019, p23)
  • « Phubbing » : « consultation ostensible de son smartphone entre collègues, amis, amants, et membres d’une même famille alors même que l’on nous adresse la parole. Le mot est la contraction des termes phone, pour téléphone, et snubbing, « snober ». (…) le phubbing est devenu un réflexe totalement inconscient : la moelle épinière a pris le pouvoir sur le cerveau. Le smartphone nous a démédullés. » (PATINO, 2019, p23)
  • Addiction ou usage excessif :

« Trois éléments distincts définissent le phénomène : la tolérance, la compulsion et l’assuétude. La tolérance énonce la nécessité, pour l’organisme d’augmenter les doses de façon régulière pour obtenir le même taux de satisfaction. La compulsion traduit l’impossibilité, pour un individu, de résister à son envie. Et l’assuétude, la servitude, en pensée comme en acte, à cette envie, qui finit par prendre toute la place dans l’existence. Le simple énoncé des critères conjugués à l’observation de nous-mêmes et de notre entourage force le diagnostic : nous sommes sous emprise. » (PATINO, 2019, p24)

  • L’athazagoraphobie : « la peur d’être oublié par ses pairs, connaît de nouveaux développements liés aux réseaux sociaux. Ceux-ci, en affichant en permanence les résultats chiffrés de chacune des actions entreprises dans leur espace, nourrissent la mélancolie de ceux qui se sentent abandonnés, ou soumis à l’indifférence de la part de leurs connaissances numériques. Tel un spectre, l’athazagoraphobe consulte son smartphone dans l’espoir d’un « j’aime », d’un « like », d’un « share », d’une « mention », qui démentira sa certitude d’être un individu de seconde catégorie méritant l’oubli dans lequel son groupe l’a plongé. » (Near Future Laboratory, présenté par PATINO, 2019, p25-26)
  • L’assombrissement : « désigne la vanité de toute quête visant à pister un individu sur les réseaux sociaux jusqu’à s’en rendre malade. Celui qui en est victime cherche sans repos des traces de vie d’une ou plusieurs personnes, transformées en proies numériques. Ces traces ont beau être aussi fabriquées ou arrangées que celles qu’il a lui-même laissées, il n’est pas capable de les analyser avec distance, et s’enferme peu à peu dans un jeu de miroirs déformants. A chaque lien où photo trouvée, l’autre paraît plus présent, mais la réalité de son être s’éloigne. L’obsession de trouver d’autres liens grandit à mesure que l’insatisfaction augmente, et le sujet plonge dans un « assombrissement » qui ressemble à un état pré-dépressif. » (Near Future Laboratory, présenté par PATINO, 2019, p26)
  • Des symptômes assimilables à des troubles du spectre autistique : Chez les plus jeune, plusieurs médecins tels que Dr Sylvie DIEU OSIKA[1] ou le Dr Anne-Lise DUCANDA, observent dans leurs pratiques cliniques en pédiatrie des symptômes assimilables à des troubles du spectre autistique chez de très jeunes enfants, avant 3 ans, dont elles font l’hypothèse qu’ils seraient liés à leur usage excessifs des écrans. Elles précisent que lorsque les enfants présentant ces troubles n’accèdent plus aux écrans pendant quelques semaines, ces troubles s’apaisent alors. « Plus l’enfant est petit, plus le changement est rapide. En un mois déjà, les parents me disent qu’ils voient la différence. C’est comme si le développement s’était arrêté et il peut reprendre. Surtout avec des jeux et en parlant avec l’enfant. »[2] selon Anne-Lise DUCANDA.

Ainsi, connaitre l’existence de ces troubles peut permettre de se montrer vigilant et critique quant à sa propre pratique et celle de son entourage. En cas de doute face à un usage excessif, n’hésitez pas à un consulter un professionnel : médecin, psychiatre ou psychologue.

Le syndrome d’anxiété : « besoin permanent d’étaler les différents moments de l’existence, aussi dérisoires soient-ils, sur l’ensemble des réseaux. (…) L’angoisse qui l’accompagne nait de la peur de ne pas trouver « le bon moment » ou la « bonne photo » à poster, et de la crainte que celle-ci ne provoque pas suffisamment de réactions d’approbation, malgré les filtres et autres outils d’édition qui permettent d’en magnifier le contenu. (…) Le soulagement obtenu par un grand nombre de « likes » est éphémère, puisqu’il laisse la place à l’anxiété renouvelée de trouver le prochain post qui permettra d’égaler ce score. » (Near Future Laboratory, présenté par PATINO, 2019, p24-25)

La schizophrénie de profil : « atteint ceux qui, jonglant avec la possibilité d’avoir plusieurs identités différentes sur les réseaux sociaux et autres sites de rencontres en ligne, finissent par ne plus savoir distinguer les identités choisies de leur propre personnalité. Pris au jeu des conversations de leurs différents masques, ils ne savent plus lequel privilégier lorsqu’il s’agit de se confronter à la vraie vie. » (Near Future Laboratory, présenté par PATINO, 2019, p25)

Sources bibliographiques : 

Audrey Isnard
Author: Audrey Isnard