Tablettes, smartphone, télé ; les nouvelles baby-sitter numériques

Tablettes, smartphone, télé ; les nouvelles baby-sitter numériques
Article rédigé par Audrey Isnard, psychologue clinicienne et juriste

Dans notre société de l’immédiateté, tout va vite, très vite. Tel le lapin d’Alice au pays des merveilles, nous courrons après le temps, sans cesse en retard ou sur le fil. Les parents les premiers, s’exposent à la difficulté d’articuler les plannings de chaque membre de la famille, avec la gestion quotidienne des tâches ménagères, la vie sociale et le besoin de « souffler ». 

Les outils numériques semblent être une opportunité de lâcher-prise un instant : on se pose devant un écran et on ne pense plus. Le temps défile toujours mais on ne le voit plus passer ; 5 minutes de jeu ou sur les réseaux s’avèrent en être 30 ou plus… Les enfants, même les plus jeunes, sont sensibles également « aux jeux de son et lumières » diffusés par les écrans, pour ne pas dire « hypnotisés ».

Solution pratique alors que de prêter son smartphone ou sa tablette à ses enfants dans la voiture pour leur épargner d’éprouver la longueur du trajet, au restaurant pour qu’ils s’amusent pendant que les parents se détendent, à la maison le temps de passer l’aspirateur ou d’étendre le linge… Les outils numériques sont devenus des baby-sitter accessibles à tout moment, même pour un court instant et à moindre coût !

 

Oui, mais à quel prix pour les tous petits ?

C’est ainsi que malgré les recommandations « Zéro écran avant 3 ans », le temps moyen d’écran journalier des enfants de moins de 2 ans serait de 50 minutes.  Les enfants de 2 à 7 ans, passeraient 3h d’écran par jour en moyenne, soit 1 000 heures par an en maternelle, ce qui représente une année scolaire passée devant les écrans.  

Mais qu’en comprennent-ils ? Les études à ce sujet laissent entendre que malgré leur apparent intérêt pour les écrans, avant 30 mois, les tous petits n’en tirent aucun apprentissage.

« La capacité des enfants à apprendre à partir de sources en deux dimensions comme le sont les écrans, est très dépendante de l’âge. (..) Ils peuvent imiter et se souvenir d’actions effectuées par une personne sur un écran ou imiter le langage des signes vus sur une vidéo mais ils ne peuvent apprendre de nouvelles choses (de nouveaux mots ou faire un puzzle) avant 30 mois sans l’aide d’un adulte qui le soutient. C’est ce que l’on appelle le déficit de transfert. Dans une expérience « d’objet caché », deux groupes d’enfants de deux ans regardent un adulte en train de cacher une poupée dans une pièce, soit à travers une fenêtre, soit par l’intermédiaire d’un écran. Quand on fait ensuite entrer les deux groupes d’enfants dans la pièce où est cachée la poupée tous les enfants du groupe « fenêtre » la retrouvent alors que seulement la moitié des enfants du groupe « écran » y parvient. Ce qui a été vu sur l’écran pour ces enfants n’a pas eu de sens dans la réalité. » 

Par ailleurs, de nombreuses études ont permis d’observer un impact des écrans sur l’acquisition du langage , les capacités d’attention et de concentration  , le sommeil et le poids , la santé visuelle , le développement de la motricité fine , la socialisation et le développement de l’empathie . Certains enfants vont jusqu’à développer des symptômes similaires au troubles de déficit de l’attention et de l’hyperactivité et aux troubles du spectre autistique . Selon le Docteur Sylvie DIEU-OSIKA, Pédiatre, Membre du collectif « Surexposition écrans » : « Tous ces enfants rentrent dans le handicap. On arrête les écrans, on explique aux parents les enjeux, ils s’améliorent en quelques semaines. » 

 

Ce qu’en disent les parents et les enfants

Ainsi, seulement 12% des parents se disent sereins quant à la consommation d’écrans de leur enfant.  Parmi les parents inquiets, 42% s’inquiètent de l’exposition de leur enfant à des contenus potentiellement choquant . En effet, Aujourd’hui plus d’un mineur âgé de plus de 15 ans sur deux a déjà vu une vidéo pornographique sur internet et de façon plus préoccupante, cette proportion a augmenté pour les mineurs de 37 % en 3 ans ½. 

Pourtant, seul 46 % des parents de jeunes âgés de 8 à 17 ans ont mis en place des solutions pour suivre l’activité de l’enfant sur Internet  et en moyenne, 70 % des enfants de tout âge indiquent regarder seuls des vidéos sur des Internet, un chiffre minimisé par les parents.  40 % des enfants joueraient en autonomie sans accord préalable de leurs parents.  

Quelles précautions prendre ?

Sans vouloir bannir absolument les écrans, omniprésents dans notre quotient et outils que les futurs adultes devront maitriser ; certaines précautions apparaissent toutefois indispensables : 

  • 1. Ne laissez jamais votre enfant seul sur son écran sans que celui-ci ne vous soit visible et accessible. Pour cela restez à ses côtés et installez les écrans dans les pièces communes. 
  • 2. Prenez le temps en amont, de vérifier les programmes que vous mettez à disposition de vos enfants. Parfois des scènes pornographiques ont été intégrées à des dessins animés accessibles en ligne. 
  • 3. Interrogez votre enfant sur son goût pour les vidéos ou jeux qu’il utilise, sa compréhension. Amenez-le à vous raconter son expérience afin qu’il puisse ainsi y mettre un sens et nommer les émotions éprouvées par la narration et l’échange avec vous.
  • 4. Jouez également avec lui, pour créer des temps de partager autour de ces outils et mieux connaitre ses centres d’intérêt. 
  • 5. Soyez vigilant à ce qu’il fasse des pauses toutes les 20 minutes pour préserver sa santé visuelle, instaurez des limites de temps sur les consoles de jeu vidéo, smartphone, télé et interdisez l’accès à ces supports la nuit.
  • 6. Installer un contrôle parental pour bloquer les contenus inadaptés à l’âge de votre enfant.
  • 7. Référez-vous aux normes PEGI pour les jeux vidéo et CSA pour les films et séries.
  • 8. Alterner les moments d’activités numériques avec d’autres types d’activités sans écrans (jeux de société, escape-game, balades, sorties, courses d’orientations, chasses au trésor…). Des ouvrages ou sites internet donnent des pistes d’activités en ce sens . 
  • 9. Vous pouvez également le sensibiliser aux risques des écrans, sans toutefois les diaboliser car ce discours est souvent contre-productif.
  • 10. Coconstruisez avec vos enfants une charte familiale indiquant les activités, moments et durées d’utilisation des différents outils numériques pour tous les membres de la famille, ainsi que les restrictions ou interdictions (ex : pas d’écran à table, pas d’écran entre 20h à 8h …) et appliquez là tous ensemble, y compris les adultes en montrant l’exemple à vos enfants.

Car n’oublions pas notre rôle en tant que modèle pour nos enfants, étant nous-mêmes souvent de grands consommateurs d’outils numériques. Soyons donc sensibles également à nos propres pratiques avant de pointer les leurs !

 

Sources bibliographiques : 

Audrey Isnard
Author: Audrey Isnard