L’impact des écrans chez le jeune enfant

L’impact des écrans chez le jeune enfant
Article rédigé par Audrey Isnard, psychologue clinicienne et juriste

Selon l’étude publiée par Santé publique France le mercredi 12 avril 2023 , le temps d’écran d’un enfant de 2 ans est en moyenne de 56 minutes par jour, soit l’équivalent de 340 heures par an ou de plus de 2 journées par mois (de 12h) consacrées aux écrans et donc perdues pour l’enfant. A 3 ans et demi, le temps d’écran quotidien passe en moyenne à 1h20.

Pendant que l’enfant de moins de 3 ans utilise un écran, il ne met pas en œuvre les différents mécanismes nécessaires à ses apprentissages et à son bon développement.

En effet, il ne se déplace pas, n’utilise pas ses muscles, ne découvre pas son environnement spatial ; cela impacte alors sa santé physique et son développement psychomoteur à long terme.

Il n’utilise pas ses doigts pour attraper, tirer, pousser, retourner les objets autour de lui, nécessaires au développement de sa motricité fine comme lorsqu’il tourne la page d’un livre, place un objet dans un trou de la même forme, déplace des petites voitures, attrape une peluche… Sa perception également se réduit à seulement deux sens : l’ouïe et la vue alors que pour découvrir et s’approprier son environnement, il utilise en principe tous ses sens, plaçant les objets de sa main à sa bouche pour en découvrir le poids, la forme, la texture, le goût, l’odeur, ou encore le bruit lorsque l’objet tombe en fonction de la surface d’atterrissage…

«  Chaque heure par jour pendant laquelle un bébé regarde (…) des vidéos, ses apprentissages en vocabulaire diminuent de 6 à 8 mots par rapport aux enfants qui ne regardent pas ces programmes. » [i] Il ne peut pas acquérir le langage devant un écran, ne pouvant associer le son avec le mouvement des lèvres, les intonations et variations de ton, les expressions faciales et le regard d’un interlocuteur comme il le ferait dans un échange avec un autre être humain. Dans un dessin animé, les mouvements de bouche ne correspondent pas à ceux de la réalité. Dans un film il y a toujours un léger décalage, quand il n’y a pas, de surcroit, un doublage de la voix. Il ne peut répondre et que ses mots soient repris, répétés et interprétés comme lors d’un échange avec un adulte ou même un babillage entre tous petits. Pas plus qu’il ne peut mettre de mots et donc de sens sur les émotions qu’il ressent face à l’écran. Il est bien entendu traversé par la surprise, la peur, l’amusement, la frustration, etc… face au contenu auquel il est exposé, mais sans un adulte à ses côtés pour verbaliser les émotions ressenties, l’enfant reste dans un éprouvé corporel auquel il ne donne pas de signification. Il ne peut donc pas identifier ses émotions et les mots associés. Il sera également plus en difficulté pour reconnaitre les émotions chez l’autre et donc à éprouver de l’empathie.

[i] TISSERON S. Apprivoiser les écrans et grandir. Eres. Toulouse; 2021, p32

Ce temps passé seul sur un écran, est un temps de perdu dans la création du lien parents-enfants ou au sein de sa fratrie. Y compris, lorsque l’enfant joue en présence d’un écran sans nécessairement y porter toute son attention, cela affecte sa capacité d’attention, réduisant son temps passé sur un même jeu. Cela l’affecte durablement, limitant alors ses capacités d’attention et de concentration alors même qu’il est dans une phase de découverte et d’apprentissage constant avant 3 ans mais également à long terme au cours de sa scolarité.

Enfin, « dans une expérience « d’objet caché », deux groupes d’enfants de deux ans regardent un adulte en train de cacher une poupée dans une pièce, soit à travers une fenêtre, soit par l’intermédiaire d’un écran. Quand on fait ensuite entrer les deux groupes d’enfants dans la pièce où est cachée la poupée tous les enfants du groupe « fenêtre » la retrouvent alors que seulement la moitié des enfants du groupe « écran » y parvient. Ce qui a été vu sur l’écran pour ces enfants n’a pas eu de sens dans la réalité. » C’est ce que l’on appelle le déficit de transfert.

A plus long termes, ces pratiques auront un impact sur le niveau d’étude, le sommeil, le poids, la santé physique et visuelle, les capacité de socialisation, l’image de soi ou encore le rapport au temps et au monde.
Ainsi, il est recommandé, pour ne pas dire indispensable, de ne pas donner accès aux écrans avant 3 ans et lorsqu’ils le sont, de les accompagner. Il s’agira alors de bien sélectionner le programme utilisé, d’être au côté de l’enfant tout au long de sa pratique, afin d’observer son utilisation et de verbaliser ce qui se joue pour lui. Une fois que l’enfant s’exprime suffisamment pour être capable d’entrer dans la narration, invitez-le à vous raconter ce qu’il a vécu, ressenti, compris de son expérience de jeu ou de visionnage.

Enfin, Sabine DUFLO, psychologue en CMP et auteure, recommande ce qu’elle nomme « la règle des 4 pas » dans le but de « redonner à l’enfant le temps volé par les écrans » . Il s’agit pour elle, d’interdiction stricte pour les enfant avant 3 ans dans le but de les protéger :

Pas d’écran le matin, car les écrans captent l’attention, empêchant de développer chez l’enfant une « attention volontaire nécessaire pour réussir à l’école ».

Pas d’écran pendant les repas, car la consommation d’écran réduit les échanges et interactions au sein de la famille, impactant alors l’acquisition du langage. L’écran pendant les repas impacte également le circuit digestif et engendre alors une prise de poids plus importante.

Pas d’écran avant de s’endormir : Car la lumière bleue impacte le sommeil tant dans la durée d’endormissement, que dans sa qualité au cours de la nuit. De plus, l’exposition à des films ou dessins animés qui suscitent des émotions non accompagnées ou verbalisées, impactent émotionnellement l’enfant dont le cerveau n’a pas le temps de traiter ces informations. Il risque alors de faire des cauchemars, voire de rechercher à retrouver ces sensations en regardant les mêmes vidéos dans une répétition traumatique cherchant à mettre du sens sur ce qui n’en trouve pas. Enfin, comme l’écran est un « capteur d’attention », il est plus difficile pour le spectateur d’avoir la notion du temps qu’il y passe et de stopper son activité. 

Pas d’écran dans la chambre de l’enfant : Car il expose davantage à la tentation de l’utiliser et double alors sa consommation. Par ailleurs, les parents ne peuvent plus observer et accompagner l’utilisation des écrans par l’enfant. Cela revient à laisser l’enfant seul face à tous les dangers d’internet et des outils numériques.

En cas de difficultés ou de questionnement sur le gestion du rapport de l’enfant aux écrans, n’hésitez pas à vous rapprocher des Centre médico psychopédagogiques de votre secteur pour être reçus en consultations ou à prendre rendez-vous auprès de l’association Horizon Multimédia qui propose des consultations gratuites en visio avec une psychologue.

Pour en savoir plus :
[1] https://www.santepubliquefrance.fr/docs/bulletin-epidemiologique-hebdomadaire-12-avril-2023-n-6 

[1] TISSERON S. Apprivoiser les écrans et grandir. Eres. Toulouse; 2021, p32

[1] Le déficit de transfert, par le Collectif Surexposition aux Ecrans, le 24 mars 2020 (http://www.surexpositionecrans.org/%EF%BB%BFeffets-des-ecrans-le-deficit-de-transfert/)

[1] DUFLO Sabine, Quand les écrans deviennent neurotoxiques, 2018

Vidéo explicative de « la règle des 4 pas » :

 https://www.youtube.com/watch?v=kD4qx2n_5ag
https://www.youtube.com/watch?v=UxwZrR1Xbi8

Audrey Isnard
Author: Audrey Isnard